Un dernier échange avec Manon et je prends ma veille. Je me sens chanceuse et à la fois investie d’une mission collaborative : apporter ma pierre, mais aussi résister avec l’art !

Je prends ma veille pendant que Beauvais s’éveille, se réveille, et moi, je m’émerveille ! Je suis là, à la fois suspendue et ancrée. Le temps s’écoule au rythme des quarts d’heure sonnés par l’église Saint-Étienne.

Mon premier contact visuel : la flèche de l’Évêché, et au loin, le quartier Argentine avec le château d’eau, et à quelques pas, mon bureau. Et plus près, Madame Pull Rouge, une voisine du théâtre en quelque sorte. Et ensuite, Monsieur au pantalon marron. Il presse le pas. Est-il en retard ? A-t-il hâte de retrouver quelqu’un ?

Soudain, je sais que quelque chose va se passer, mais je ne sais pas comment, précisément. Les pigeons, tels des chorégraphes, attirent mon œil pour me dire : « C’est ici que tu dois poser ton regard. » Et le voilà ! Il est là, le soleil, lui aussi se lève, même le dimanche ! Une magnifique boule orange, puis rose, et enfin blanche. Une émotion intense arrive, les larmes coulent délicatement sur ma joue : c’est beau, la vie ! Merci, la vie ! Et, de quart d’heure en quart d’heure, Beauvais prend vie, et je suis à la fois spectatrice et actrice. C’est normal, on est au théâtre !

Tant de choses observées, avec l’envie de les consigner quelque part et aussi avec l’envie de les garder secrètes. Que chacun fasse son expérience : prendre le temps de se poser, d’observer, de s’amuser à regarder, à suivre, d’être ancré ici et maintenant.

Je m’apprête à quitter la loge des veilleurs avec beaucoup de tableaux, de sons, de sensations à l’intérieur de moi. Et je dois avouer : c’était drôle de jouer avec le soleil, à faire des ombres de ma silhouette sur le mur gris du théâtre, quand je tournais le dos à la ville.

Merci, le théâtre. Merci, Joanne Leighton.