Cette fonction de veilleur du monde, je l’ai commencée il y a près de cinquante ans, du haut de mon mirador, veillant sur un dépôt de munitions à Coëtquidan, durant mon service militaire.
Je l’ai continuée comme artiste plasticien en installant ma sculpture Les Veilleurs du temps, au cœur de l’église en ruine de l’abbaye de Fontaine-Guérard.
Aujourd’hui, c’est en tant que membre de l’association Perspectives contre le cancer que je suis là. Cette association assure, elle aussi, une sorte de veille.

Je suis entré dans cette cabine, intrigué par le projet, oubliant que je suis un peu claustrophobe et que j’ai le vertige.

J’ai cherché tout de suite un schéma de pensée pour occuper cette heure de veille : appréhender la texture et les dimensions de la cabine, puis « plonger » dans le vide.
Je me suis d’abord intéressé au minéral : limite gauche, l’église Saint-Étienne ; limite droite, le pont de Paris.
La palette des toits noirs et bordeaux rappelle que Beauvais a été une ville victime des bombardements. Je suis ensuite, dans cette balade chromatique, allé chercher les massifs d’arbres aux belles couleurs d’automne. Je me suis ensuite intéressé au mouvement — ou non — des voitures et des piétons, dont certains sont devenus « des veilleurs de veilleurs ».

Le ciel ne m’a rien apporté, juste traversé par quelques oiseaux.

Enfin, mon attention s’est fixée sur une maison, celle de mon ancien médecin, parti à la retraite il y a près de deux ans. Les volets étaient rouillés, le lieu déserté. Et puis une porte s’est ouverte, un ouvrier en est sorti ! La maison était en travaux. Elle revivait. Cela m’a fait du bien.
La porte s’est ouverte et j’ai dit : « Déjà. »